Vie et passion d’un gastronome chinois – Lu Wenfu

J’ai précédemment parlé de Lu Wenfu, avec un recueil de nouvelles, publié sous le nom de Le puits. Et lors de cet article, j’avais mentionné que je n’aborderais pas une de ces nouvelles, nommée le gastronome dans le recueil, pour en parler indépendamment. Eh bien le moment est venu d’en parler. Je vais essayer de faire assez court, parce que je pourrais en parler très longtemps. ^^

Donc, je vais parler de Vie et passion d’un gastronome chinois, édité chez Picquier qu’on trouve aussi sous le titre Le Gastronome dans le recueil Le Puits, ou Le Gourmet dans le recueil de nouvelles Le Corsage Rouge, chez les éditions langue étrangères de Pékin. Le titre en VO est 美食家 meishijia, qu’on peut traduire par « le gastronome ». De ce que j’ai vu, la traduction de chez Picquier est celle qui me semble la plus fiable. On a une certaine perte du style de l’auteur, mais au moins, les points culturels ne sont pas contournés, ils sont retranscrits tels quels avec des notes de bas de pages, contrairement à la version dans Le puits qui a tendance à éviter ces points culturels. La version VO est très bien écrite, Lu Wenfu est d’ailleurs considéré comme collant le plus à la stylistique chinoise traditionnelle. Ce qui fait que la VO est bourrée de procédés stylistiques non traduisibles, raison pour laquelle même la traduction chez Picquier perd ce style.

Couverture (sobre) de l’édition 2018 de la VO

Le gastronome est l’histoire de deux personnages qui s’opposent tout au long du roman. Premièrement, Gao Xiaoting, jeune communiste et qui s’oppose à la gourmandise de Zhu Ziye, capitaliste, rentier et considéré plus tard dans le roman comme un gastronome. A chaque étape du roman, les personnages avancent dans le temps, dans l’histoire du XXème siècle chinois (assez tourmenté, il faut l’avouer ^^). Et à chaque nouvel événement historique, on suit ces deux personnages, chacun avec leur rapport à la nourriture qui lui est propre. Ce roman débute dans les années 1940, avant l’ascension au pouvoir du parti communiste, et se déroule jusque dans les années fin 1970, début 1980, après la mort de Mao Zedong et la fin de la révolution culturelle. Ces deux personnages suivent donc toutes les périodes entre les années 1940 et 1980 : la révolution communiste, la communisation des entreprises privées, le Grand Bond en Avant, les années de famines, la révolution culturelle… Et on voit comment ces personnages évoluent dans ces conditions.

Ce qui est intéressant, c’est que la vie des deux personnages principaux est inspirée de la propre vie de Lu Wenfu. Par exemple, le personnage de Gao Xiaoting possède la même année de naissance que Lu Wenfu, il s’engage pour la révolution communiste en 1948, et a ensuite subit la révolution culturelle. De plus, Le personnage de Zhu Ziye, comme Lu Wenfu, est considéré comme Gastronome, point très important du roman, comme de la vie de Lu Wenfu. Enfin, le narrateur du roman n’est autre de Gao Xiaoting, auquel Lu Wenfu donne sa voix.

Etant à la fois fan de littérature chinoise, de l’histoire de la Chine et moi même un gourmand invétéré, j’ai énormément apprécié ce livre. C’est pour moi un véritable chef-d’œuvre, qui ancre son propos dans l’histoire de la Chine sans pour autant que ce soit son sujet principal. Et attention : ce livre peut donner faim !

Ce roman a été adapté en film, que je n’ai toujours pas vu, mais je reviendrais pour parler du film quand je l’aurais vu. Le roman m’avais à la base été fortement conseillé par un de mes professeur en licence de chinois, et maintenant en Master, je vais faire mon mémoire de M1 dessus. En tout cas, je vous conseille fortement cet ouvrage, comme tous les autres récits de Lu Wenfu, ou en tout cas ceux qui sont encore trouvables chez Picquier.