Le clou – Zhang Yueran

J’avais beaucoup entendu parler de Zhang Yueran avant de découvrir ce livre, car beaucoup de gens semblent avoir apprécié L’hôtel du cygne. Je n’ai pas encore pu lire ce dernier mais on m’a offert Le clou noël dernier et j’ai beaucoup de choses à dire à propos de ce livre !

Le clou est l’histoire de Li Jiaqi et de Cheng Gong, deux personnages s’étant côtoyés pendant quelques mois lorsqu’ils étaient au collège dans les années 1990 et qui se recroisent des années plus tard alors qu’ils sont âgés d’une trentaine d’années. Alors qu’ils se rencontrent, ils parlent de leur vie jusqu’ici et comment celles-ci s’entrecroisent.

Tout d’abord, et ce qui m’a vraiment plu dès le début est la qualité de l’écriture ! Pour moi, c’est beau, c’est bien écrit, on ne voit pas les pages passer et ça donne envie de vraiment découvrir les autres livres de l’autrice (Et notamment L’Hôtel du cygne ^^) ! En plus de la qualité de l’écriture, j’ai beaucoup aimé la construction du roman, qui alterne les points de vue des deux personnages, sous la forme d’un dialogue ou chaque intervention durerait une trentaine de pages. Seules l’introduction et la conclusion sont relatés d’un point de vue externe à ces deux personnages, qui rompt avec l’alternance des points de vue. J’ai beaucoup aimé ce procédé et cette construction du livre.

Le grand thème du livre est, je pense, de montrer les conséquences de la Révolution Culturelle sur les gens qui l’ont vécu, mais aussi sur leurs descendants, sur plusieurs générations. Et autant des livres sur la révolution culturelle et sur les conséquences sur ceux qui l’ont vécu, c’est assez commun, surtout parmi la littérature écrite au cours des années 1980 et du courant littéraire des cicatrices. Sauf que Zhang Yueran, tout comme les personnages de son roman, est née dans les années 1980, dans une Chine déjà sortie du Maoïsme, et même si la Révolution Culturelle était terminée depuis 1976, c’est une période que ses ascendants ont forcément vécu. Ce livre est pour moi totalement représentatif de la littérature « Post-cicatrice ». Ce n’est vraiment pas un terme officiel, mais c’est bien ça : pour moi ça se place dans la continuité des auteurs ayant vécu la Révolution Culturelle et en partageant les traumatismes par la littérature.

Je trouve que l’édition en version française est vraiment belle ! Un peu trop souple pour la taille du livre, ce qui fait qu’elle est fragile et qu’elle ne reprend pas bien sa forme. Et j’ai surtout beaucoup aimé le titre en VF Le clou, qui n’est pas le titre en VO, qui est 《茧》Jian, qui signifie « Le cocon ». Je trouve pour le coup le titre VF bien mieux que le titre VO !

Couverture en version originale

Tout n’est quand même pas tout rose dans ce livre, et notamment, le dernier quart du livre. Attention, je vais parler du dernier quart du livre et donc potentiellement beaucoup de spoils ! Le dernier quart montre la déchéance des personnages, et surtout le personnage de Cheng Gong, qui commence à prendre plaisir à tenir des vies qu’il juge « inférieures ». Il se met donc à tuer des chiens errants, à violer sa camarade de classe en situation de handicap mental, et ne l’aide pas lorsqu’elle fait des crises et la regarde juste s’étouffer, juste car il aime tenir sa vie entre ses mains. Li Jiaqi quant à elle, pousse un homme à violer sa mère, ce qui la traumatise profondément. Je pense comprendre ce que l’autrice à voulu faire, en montrant que des gens détruits et traumatisés peuvent faire le mal autour d’eux car ils n’ont plus que ça dans leur vie, mais malheureusement, ça manque pour moi d’une remise en question de la part des personnages, ce qui aurait pu être introduit, je pense. Fin du spoil

Pour moi une lecture tout de même très marquante, et que j’ai beaucoup aimé en majorité, même si la fin noircit un peu le tableau. Je suis tout de même très content d’avoir découvert ce livre et cette autrice, et je suis curieux de découvrir le reste de son œuvre !