Dans la gorge du dragon – Eliot Pattison

Dans la gorge du dragon est le premier tome d’une série de romans policiers mettant en scène l’enquêteur Shan Taoyun. Il rejoint donc le gang des inspecteurs de romans policiers chinois composé du Juge Ti, (popularisé par Robert Van Gulik), du juge Bao (par Patrick Marty et Nie Chongrui) et de l’inspecteur Chen Cao, (par Qiu Xiaolong)… et probablement plein d’autres ^^. La particularité de cette série : l’intégralité de l’intrigue se déroule dans les monts tibétains ce qui donne à cet ouvrage une ambiance unique.

Comme je l’ai dit, Dans la gorge du dragon est un roman policier, et donc, comme tout bon roman policier, il débute sur la découverte d’un cadavre, étêté si possible. (Bonne ambiance !) ^^ Comme on est au Tibet, et que les chinois sur place ne sont pas tous compétents pour régler ce genre d’affaire criminelle, le Colonel Tan, représentant du gouvernement de Pékin au Tibet, décide de confier cette affaire à un des prisonniers du Laogai (Camp de travail, le goulag chinois en somme) du Tibet : Shan Taoyun, notre inspecteur. Accompagné du sergent Feng et de Yeshe, un ancien-prisonnier et également ancien-moine, tous deux chargés de le surveiller, il doit découvrir ce qui s’est effectivement passé.

Ce livre est en grande partie construit comme un roman policier (puisque c’en est un), mais il lui manque quelques éléments du genre qui m’ont un peu manqué : une fois l’enquête débutée, on assiste au déroulement de façon linéaire, mais sans vraiment de retournements de situations ou de surprises, et les peu d’éléments dramatiques qui surviennent sont traités beaucoup trop anecdotiquement à mon goût. Évidemment, la situation finale (comme dans tout policier qui se respecte) est inattendue, mais il faut attendre les 20 dernières pages pour qu’une résolution se profile, et pour un livre de plus de 500 pages, j’ai trouvé que la fin mettait du temps à arriver. Enfin, le rythme est particulier et un peu lent pour un policier, mais ce n’est pas trop gênant non plus, car j’ai trouvé que ledit rythme servait bien l’ambiance recherchée.

Un des intérêts de ce livre, outre l’enquête policière, est d’aborder la situation actuelle en Chine à propos du Tibet et des Laogai. Parce que oui, en Chine, on trouvait encore jusqu’à très récemment (et peut-être même encore actuellement) des camps de travail, où sont parfois retenus arbitrairement des opposants politiques. Officiellement, les camps ont été démantelés peu après 2013, mais d’après de nombreux spécialistes, ce n’est que pour laisser la place à d’autres formes de détentions arbitraires (cf. Lucien Bianco par exemple). On peut voir par le personnage de Yeshe dans le livre comment, même après libération, les anciens prisonniers pouvaient être considérés comme « travailleurs libres », qui n’ont de libres que le nom (enfin, ils ne sont plus enfermés, mais ça reste une forme de travail forcé). Et par le personnage de Shan Taoyun, comment on pouvait se retrouver prisonnier politique, juste à cause d’un désaccord avec un supérieur hiérarchique.

Dans une note en fin d’ouvrage, l’auteur précise que ce livre à vu le jour en partie pour montrer la situation à laquelle fait face le peuple tibétain, et leur lutte pour conserver leur culture face à l’occupation chinoise. On croise dans cet ouvrage un grand nombre de prêtres bouddhistes emprisonnés, le seul tort de ceux-ci étant d’avoir été bouddhistes. Eliot Courge Pattison (oui, je l’ai nommé comme ça pendant toute ma lecture, pardon ^^’) semble impliqué en faveur du Tibet, critiquant régulièrement et explicitement le gouvernement chinois dans son ouvrage, et semble bien informé sur le sujet. Enfin, il semble informé sur certains aspects, mais fait parfois des erreurs uniquement excusables si on ne connait pas la langue chinoise : il nomme par exemple un de ses personnages Jao Xengding. Le problème ? C’est que la langue chinoise est très restrictive dans ses syllabes et les syllabes « Jao » et « Xeng » n’existent tout simplement pas en chinois, donc une seule bonne réponse sur 3 dans ce nom. ^^ Bon honnêtement, je relève ça, mais c’est pour chipoter, car dans l’ensemble on ne trouve pas vraiment beaucoup d’erreurs de ce genre.

Bref, je ne suis pas certain que ce soit vraiment un excellent roman policier, mais il se rattrape par bien d’autres aspects, donc je pense que je peux facilement le conseiller si vous pensez que l’ambiance et le cadre peuvent vous intéresser. Il se trouve que j’ai la suite des aventures de l’inspecteur Shan, alors vous le reverrez probablement bientôt sur ces pages. ^^